Au réveil d'un sommeil agité par un rêve dans lequel il causait un accident, Jin saute dans sa voiture pour se rendre sur les lieux et réaliser qu'un accident s'est bien produit. Une jeune femme est arrêtée chez elle par la police et tenue responsable de cet acte de malveillance. Il comprend alors que Ran, la jeune femme en question, somnambule, exécute seulement les rêves qu'il fait. Un lien mystique lié à leur passé les relie sans qu'ils sachent pourquoi.

C'est là tout le postulat de Kim Ki-Duk qui se lance à nouveau dans une histoire surnaturelle, incroyable et poétique, au scénario cependant limité et aux personnages peu étoffés.

Jin et Ran sont aux antipodes l'un de l'autre. Deux extrêmes, comme l'explique la psychologue du film. L'un posé, l'autre pas. L'un convaincu par le caractère mystérieux de ce qui leur arrive tandis que l'autre se veut réaliste. Ils sont le jour et la nuit. A l'image de la dualité traitée tout le long de ce film. La lune et le soleil, le noir et le blanc, le rêve et la réalité, l'amour et la haine… Car c'est quelque part ce dont il est question : Jin et Ran sont incapables de vivre leur amour, au point de se haïr. Pour vivre sereinement, ils dépendent l'un de l'autre. Tout du moins du sommeil de l'autre. Une condition sine qua non qui, malheureusement, les poussera doucement sur une pente dangereuse.

Si l'histoire est contemporaine, elle reste donc fort marquée par la mythologie coréenne. D'une certaine manière, ces deux personnages évoquent la légende de Yonorang et Seonyo. L'un lune et l'autre soleil, deux amants incapables de se rencontrer. Kim Ki-Duk se serait-il inspiré de ce mythe?

Le contraste entre ces deux univers temporels est également inscrit dans le décor. Les protagonistes qui vivent selon leur époque évoluent dans un Séoul traditionnel, dans les quartiers de la ville qui ont conservé leur architecture ancestrale.

Comme toujours dans ses films, le réalisateur attache beaucoup d'importance aux détails qui ajoute cette fois-ci un peu de piment à un scénario un peu faible. Il offre alors au spectateur la possibilité de lire entre les lignes. Cependant, l'interprétation peut être délicate si l'on est peu enclin aux métaphores ou qu'on ne possède pas le décodeur Kim Ki-Dukien … Reste tout du moins que ces éléments sont fort jolis.

La plupart des scènes se passant de nuit, l'image est généralement sombre. En revanche, le réalisateur nous offre une superbe scène en pleine lumière dans un paysage de roseaux durant laquelle les acteurs sont habités (voire possédés) par le rôle qu'ils incarnent. Scène magnifiquement accompagnée par des cordes graves qui lui confèrent une dimension prenante.

Plus que la fin frustrante et ambiguë (comme toujours chez KKD), le plus perturbant réside dans le fait que Jin soit incarné par Odagiri Joe, acteur japonais. Il est le seul personnage à ne pas s'exprimer en coréen sans que ça ne soit jamais relevé dans le film. Ce choix aurait-il une signification particulière ? Peut-être une nouvelle référence à la légende Yonorang et Seony. Qui sait…

Kim Ki-Duk signe un film complexe et difficile à saisir mais fidèle à son mode de filmer. Un film beau et poétique à l'extrême.

Dream, de Kim Ki-Duk

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