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Once In A Blue Moon...

9 février 2013

Les Cadavres ne portent pas de costard

 


Les Cadavres ne portent pas de costard

De Carl Reiner (1982)

Avec Steve Martin, Rachel Ward, Cary Grant, Humphrey Bogart, Kirk Douglas, Ava Gardner, Ingrid Bergman…

Juliet Forrest veut enquêter sur la mort de son père, scientifique mais également amateur de fromage, qu’elle pense suspecte. Il avait en effet rédigé quantité de listes de noms d’amis et d’ennemis d’une certaine Carlotta. Pour mener l’enquête, elle embauche Rigby Reardon (Steve Martin, dans un de ces premiers films), détective aux manières pour le moins étonnantes…

Réalisé comme un vieux film américain des années 40-50, en noir et blanc donc, ce film de 1982 s’appuie sur des séquences de films célèbres pour en tisser un tout autre. Il reprend alors une bonne partie des monstres sacrés de cette période (Cary Grant, Humphrey Bogart, Kirk Douglas, Ava Gardner, Ingrid Bergman et tant d’autres encore…) pour en faire des personnages à part entière dans cette histoire hilarante.
Réalisé sur un simple mais habile procédé de champ-contrechamps, le film permet au spectateur de se prendre au jeu et, outre le grain de l’image qui trahit la différence d’époque, de réussir à croire que Steve Martin côtoie réellement le fin du fin d’Hollywood.

Si le style et le genre rappellent bel et bien les vieux films américains, l’humour, lui, est tout à fait à part, à la limite de l’irrévérencieux. Carl Reiner, à la fois réalisateur et coscénariste, enchaîne les scènes et les situations décalées au point de réussir à rendre Humphrey Bogart désopilant.

 

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24 février 2012

Turn Me On, Dammit!

 

Turn me øn (Turn Me On,Dammit!), de Jannicke Systad JacobsenSans titre 13


Dans un trou perdu de Norvège, entre la forêt et les montagnes, Alma, bientôt seize ans, compense le vide de sa vie quotidienne et amoureuse en appelant une hot line. Lassée par la routine que lui offre le village dans lequel elle a grandi et l'inactivité d'Arthur avec qui elle aimerait sortir, Alma vivote, entourée de ses deux amies. Jusqu'au jour où, lors d'une soirée, il se passe enfin un truc qui bouleverse alors l'ordre des choses. Mais pas forcément comme elle l'aurait voulu.

Turn me øn est un film drôle et tendre à la fois qui traite de l'adolescence et de la sexualité. Mais malgré l’humour et les thèmes abordés, il n’y a absolument aucune ressemblance avec un American Pie ou autre comédie du genre. Et c’est tant mieux !

Le film pose un regard réaliste et franc sur ce que représente cette phase précise dans la vie d’un homme ou d’une femme. On y croise des ados qui ne s’épargnent rien, qui ont du mal à trouver leur place et à faire face aux différents changements inhérents à cette période. Même si ce n’est pas obligatoirement un passage difficile pour tout le monde, chacun s’y retrouve un peu.
Jannicke Systad Jacobsen (et l’auteur du livre dont le film est tiré) nous montre à quel point la vie peut-être compliquée à ce moment-là. Et elle le fait donc avec humour mais aussi avec délicatesse.

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La photographie joue d’ailleurs beaucoup en ce sens. On retrouve cette lumière blafarde particulière au cinéma scandinave mais Jacobsen emploie également, par moment, une lumière beaucoup plus romantique qui donne l’impression, un bref instant, de suspendre le temps.
En outre, l’utilisation de la photographie en noir et blanc (rappelant d’une certaine manière les intermèdes de Ha ha ha de Hong Sang Soo) qui ponctue le récit accentue la dimension romancée dans laquelle Alma a tendance à se perdre parfois. L’esprit du roman-photo illustre tout à fait cette faculté que les adolescentes peuvent avoir à imaginer les choses comme elles voudraient qu’elles se passent.

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 Evidemment, des films qui traitent de ces sujets indémodables, il y en a eu des tas mais rarement - il me semble- réalisés de manière si franche avec une fille tout ce qu’il y a de plus banale pour personnage principal.
Jannicke Systad Jacobsen n’y va pas avec des pincettes. Pikk-Alma le dit clairement, elle est "grave excitée". Elle en a conscience et ne sait pas quoi faire de cet état de fait. Elle ne peut d'ailleurs compter ni sur sa mère ni sur ses amis pour l'aiguiller.
La situation d'Alma procure au final une certaine frustration chez le spectateur. On se sent impuissant face à l’accablement de la jeune fille maladroite. Incapable de l'aider, simple observateur de son malaise et témoin des persécutions de ses camarades et de l'isolement dont elle souffre au quotidien. On s'identifie alors facilement à la vieille voisine qui observe depuis sa fenêtre avec son air impassible, comme un personnage omniprésent (Serait-elle le narrateur dans le roman d'Olaug Nilssen ?). Comme nous, elle est témoin de tout et suit l’affaire à distance.
La frustration infligée au spectateur est d'ailleurs accentuée par la (très bonne) musique qui est presque chaque fois coupée nette lors de changement de scène. Le film est d’ailleurs illustré par une très bonne BO. Il est bien trop rare de noter Kings of Convenience, Efterklang ou encore Franz is dead au générique d'un film et par conséquent obligatoire de le souligner lorsque ça se produit.

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Turn me øn est donc une bonne surprise sur le plan psychologique, mais aussi d'un point de vue sociologique (c'est pas Maria qui dira le contraire). Car l’un des thèmes forts du film est également celui de l'ennui. Alma et ses amis n’ont en effet guère le choix pour se divertir, tout comme la plupart des jeunes Norvégiens vivant à la campagne. Après le lycée, il ne leur reste que la chorale ou l’abribus et une furieuse envie de s’en aller pour une plus grande ville.
[Ceci dit, d’un point de vue tout à fait subjectif, cet ennui national (ou scandinave, puisqu’il semble que le phénomène s’applique également à l’Islande, au Danemark etc…) nous est plutôt bénéfique puisqu’elle "provoque" une culture qui n'a pas son pareil. Sans ça, nous n'aurions peut-être jamais connu de Sigur Ros, d’Efterklang ou autres Björk. Diantre !]

9 novembre 2011

Et maintenant on va où ? de Nadine Labaki

et-maintenant-on-va-ou-affiche

 

Quelque part au Liban (on le suppose), perdu au sommet d'une montagne, un village résiste aux affrontements religieux qui occupent le reste du pays. Ou tout du mois en partie. Bien que les villageois se partagent entre musulmans et chrétiens, une certaine paix est conservée grâce à la collaboration du prêtre et de l'imam, mais surtout grâce aux femmes qui se sont unies dans ce but.

Et maintenant on va où ? est une comédie dramatique qui oscille sans cesse entre le rire et l'émotion de sorte que le sujet –grave sur le fond- ne soit pas un poids pour le film.

Nadine Labaki, tout comme dans son précédent film Caramel, approche le sujet en l'ornant de personnages hauts en couleurs. Elle innove cependant en le ponctuant de quelques scènes étonnantes -dansées ou chantées- malheureusement pas toujours très nécessaires.

Si l'interlude chanté au café est sans conteste très fleur bleue, la scène d'ouverture est en revanche très forte. Des femmes vêtues de noir, chrétiennes et musulmanes côte à côte, avancent ensemble sur un chemin de terre en direction du cimetière. La main sur la poitrine en symbole de leur union, elles marchent d'un même pas, suivant le même rythme. Celui des battements du cœur.

Cette bouleversante et marquante scène chorégraphiée est accompagnée par les pleurs du violon de Khaled Mouzanar et des lamentations qui collent la chair de poule.

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Cependant, pour désamorcer le coté dramatique de cette lutte religieuse, la réalisatrice n'hésite pas à forcer le trait sur les personnages. Parfois à la limite du ridicule. Et c'est sans doute ce qui fait la réussite de ses films. Sans en donner trop l'air, elle place son discours juste en dessous d'une couche d'humour.

Les femmes sont flanquées de caractères forts. Elles se révèlent prêtes à tout- quitte à inventer les stratagèmes les plus fous- pour conserver ce qui leur est le plus cher : la paix. Elles sont le ciment et les poutres de soutènement du village tandis que les hommes se montrent irraisonnés, fiers et puérils au point de jeter des mûres sur le linge blanc du voisin.

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Bien que leurs méthodes soient discutables, les femmes font preuve d'une ténacité remarquable. Elles ont le caractère qu'elles ont, mais c'est assurément parce qu'elles n'ont plus rien à perdre dans cette histoire. Ou tout du moins tout à gagner car depuis des années elles sont systématiquement les grandes perdantes de cette guerre. Réduites à des rôles de pleureuses qui voient disparaître tour à tour fils, frères et maris, elles tentent de prendre les choses en main une dernière fois.

 

26 septembre 2011

Rubber

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-Rubber-

-De Quentin Dupieux-

 

"Oh god ! The kid was right. The killer is a tire."

 

 

J'aime pouvoir commencer une critique par : "Ce film est un grand foutage de gueule".

Dès les premières minutes du film, on sait qu'on ne regardera pas à un film ordinaire mais plutôt l'œuvre d'un improbable cousin éloigné de Samuel Beckett dans laquelle on pourrait sans doute croiser un certain Godot. Le spectateur est immédiatement pris à partie. Le policier chargé de "l'enquête" s'adresse à lui et pose les bases du film : ce que nous allons voir ne répond à aucune logique.

 

"In the Steven Spielberg movie "E.T.," why is the alien brown? No reason. In "Love Story," why do the two characters fall madly in love with one another? No reason. In Oliver Stone's "JFK," why is the president suddenly assassinated by some stranger? No reason. In the excellent "Chain Saw Massacre" by Tobe Hooper, why don't we ever see the characters go to the bathroom, or wash their hands, like people do in real life? Absolutely no reason! Worse, in "The Pianist," by Polanski, how come this guy has to hide and live like a bum when he plays the piano so well? Once again the answer is no reason. I could go on for hours with more examples. The list is endless. You probably never gave it a thought, but all great films, without exception, contain an important element of no reason, and you know why? Because life itself is filled with no reason. Why can't we see the air all around us? No reason. Why are we always thinking? No reason. Why do some people love sausages and others hate sausages? No fuckin' reason... Ladies, gentlemen, this film you're about to see today, is an homage to 'no reason,' the most powerful element of style."

 

Une entrée en matière qui prévient le spectateur qu'il risque d'assister au pire du cinéma (mais, malgré les apparences, il n'en est rien).

 rubber movie film quentin dupieux tire

L'absurde histoire de ce film repose sur un vulgaire pneu qui se transforme en serial killer. Et bizarrement, on peut y croire.

Débutant comme un documentaire animalier, on assiste, dans le désert, à l'éveil du petit pneu puis à son apprentissage. On se prend de sympathie pour ce personnage livré à lui-même qui doit faire seul ses premiers pas dans la vie. Le tout dans une lumière magnifique qui force l'apitoiement. Mais très vite, le pneu découvre sa force, prend de l'assurance et développe un sadisme inouï. L'ambiance change alors qu'il fait exploser à répétition lapins et autres oiseaux. Robert-rubber prend donc son essor et s'aventure hors du désert pour prendre en chasse une jeune femme, sous les jumelles de vrais spectateurs qui ne savent pas davantage que nous ce qu'ils font là.

Petit à petit, le caractère du pneu se dessine et on le cerne de plus en plus (sans pour autant vraiment tout comprendre puisque rien n'a de raison) mais les dés sont pipés et la trame suit une voie différente. Rien ne se passe donc comme prévu.

 

La mise en abîme, le scénario dans le scénario et les spectateurs dans le film, ajoute à l'absurdité du film et contribue à nous perdre un peu plus dans cette histoire de dingue.

On imagine comme l'écriture du scénario et le tournage ont dû être jouissifs pour Quentin Dupieux, le chef décorateur et les acteurs qui ont dû à maintes reprises avoir de nouvelles idées aussi saugrenues que celle de faire sortir un mec d'un coffre ou d'exploser toutes les chaises évidemment sans raison.

Le résultat est hilarant. Et surprenant, car rempli de détails.

 

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Quentin Dupieux nous sert en prime une impressionnante photographie ainsi que des cadrages très esthétiques. Il y a assurément du travail derrière toute cette absurdité.

Le scénario possède d'ailleurs différents degrés de lecture et regorge de réflexions. Le ridicule de la situation amène à une certaine critique. Tout le monde relèvera aisément la réplique du flic qui demande si le pneu est noir. Mais Dupieux ne s'arrête pas là. Ce n'est pas innocemment qu'il installe constamment Robert devant la télévision et qu'il ose pour terminer le déposer aux portes du mythique Hollywood. Tout ça sent incontestablement le pied de nez.

 Rubber est un excellent clin d'œil aux slashers des années 80. Tant dans la construction de l'histoire, l'inévitable serial killer poursuivant une fille seule et sexy, que dans les décors, le kitch du motel et du lieutenant Chad pour ne citer que ça. Enfin, la musique de Quentin Dupieux (alias Mr Oizo), ainsi que celle de Justice qui accompagne la dernière scène, marquent nettement cette tendance. Quentin Dupieux livre d'ailleurs un intéressant travail général sur la bande-son. Un savoureux mélange de musique et de sound design très inspiré.

 Rubber est un ovni qui nous fait grandement anticiper la sortie de Wrong, le prochain film au synopsis improbable de ce réalisateur hors norme.

 

30 avril 2011

Pina, de Wim Wenders

pina_wim_wendersPina Bausch est une figure du monde de la danse. Un maître pour certains, un génie pour d’autres… Et je ne les contredirai pas.

Entrée dans son univers pour la première fois par le biais du film de Win Wenders, les présentations ne pouvaient pas être mieux faites.

Le réalisateur, qui a mis près de trois ans pour réaliser ce film, avait en amont travaillé avec la danseuse et chorégraphe avant qu’elle ne décède subitement en 2009.

Et ça se sent. Jamais ballet n’a été si bien filmé. (Excepté peut-être lorsque Edouard Lock filme sa compagnie La la la Human Steps…)

En général, plutôt statique, la caméra observe une distance qui empêche le transfert d’émotions ou bien alors, à l’inverse, elle devient envahissante et gêne le spectateur dans son appropriation du moment, l’obligeant à regarder ce que le réalisateur veut qu’il regarde.

 

Dans Pina, Win Wenders respecte le travail des danseurs et de la chorégraphe. Il saisit l’essence des ballets. Il donne au spectateur la possibilité d’entrer dans la danse comme il n’aura plus jamais la chance de le faire, en optant pour des angles étonnants, en se plaçant parfois à quelques centimètres seulement d’un danseur et laissant ainsi percevoir ses expressions du visage ou ressentir son souffle court.

 

 

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A l’image de l’art parfois absurde de Pina, qui mêle brillamment danse et théâtre, Wim Wenders déplace des saynètes dans des lieux insolites et filme alors au beau milieu d’un carrefour, dans un funiculaire, dans une piscine municipale ou bien dans une carrière. Tout comme Pina aimait à le faire sur scène en recréant des décors impressionnants composés par exemple de terre, d’eau, etc… Car les éléments naturels ont toujours tenu une place importante dans son art. Wenders nous en fait la démonstration en filmant certaines de ses chorégraphies sur scène comme Le Sacre du Printemps qui se déroule sur un parterre de terre sombre, ou bien Vollmond dont le décor se compose d’un énorme rocher et de centaines de litres d’eau. Dans ces circonstances, les danseurs se donnent corps et âmes, ils plongent dans l’eau sans demi-mesure, sont recouverts de terre, répètent des mouvements éreintants jusqu’à épuisement car la chorégraphe ne leur épargne rien. Elle les force sans cesse à se dépasser et à donner le meilleur. Elle n’hésite pas les enlaidir pour les rendre encore plus beaux.

 

 

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La relation qui existe (ou qui existait) entre Pina Bausch et sa troupe est indéniablement particulière. Lorsque la caméra du réalisateur donne l’occasion aux danseurs de s’exprimer sur la fondatrice de la compagnie Tanztheater Wuppertal, on note un profond respect dans leur regard et dans leurs mots qu’on ressent comme vraiment sincères.

En revanche, comme l’aurait sans doute voulu Pina, ce ne sont pas les témoignages qui provoquent le plus d’émotions mais bel et bien ses ballets, qui donnent parfois la chaire de poule et peuvent laisser sans voix.

 

 

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Pina Bausch était indéniablement une grande artiste dont l’éclectisme culturel force le respect. Ses chorégraphies puissantes, violentes, tantôt servies par des musiques électroniques, de l’opéra ou de la variété seront interprétées sans aucun doute encore longtemps dans le monde entier.

 

Pina, par la compagnie Tanztheater Wuppertal et Wim Wenders, est un somptueux hommage qui donne envie d’en voir plus. En vrai. Sur scène.

A la fin du film, lorsque défile le générique, comme après un ballet dans une salle de spectacle, on aimerait applaudir les artistes.

 

 

 

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Les danseurs de la troupe terminant leur tour d’honneur.

 

 

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17 avril 2011

Norvegian Wood - La Ballade de l'impossible

(Ouverture d'Asia Deauville 2011)

 

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Le film prend place dans un contexte surprenant. On n'imagine pas forcément le Japon connaître la vague hippie des années 70. Et c'est pourtant dans cette atmosphère de révolte étudiante et de libertinisme que se déroule "
La Ballade de l'impossible".


A la fin des années 60, Naoko, Watanabe et Kizuki, trois lycéens, vivent leurs derniers moments ensemble. Le suicide de Kizuki mettant fin à leur amitié et à la relation qu'il entretenait depuis toujours avec Naoko.
Les deux autres prennent alors des voies séparées et se retrouvent finalement par hasard quelques années plus tard. Les deux amis couchent ensemble alors qu'ils fêtent les 20 ans de la jeune fille qui disparait aussitôt.
Lorsque, grâce à une lettre, Watanabe retrouve sa trace quelques temps plus tard, une relation étrange se noue entre eux.


Tran Ahn Hung, qui n'en est plus à son coup d'essai, nous livre ici un film axé sur la psychologie de ces jeunes perdus dans le tumulte de la vie, de l'amour, de la mort... Le réalisateur a, semble-t-il, voulu démontrer que cette "ballade de l'impossible" que vivent Naoko et Watanabe est le lot de tous et un fait universel.
Il s'applique à le faire comprendre en plongeant le spectateur dans un univers particulier, de sorte que l'on ne se sente ni complètement au Japon ni ailleurs non plus. On croise dans son Tokyo des babas cools aux cheveux longs et aux lunettes de John Lennon, des amateurs de rock à chapeaux de western, des bourgeoises tirées à quatre épingles et des étudiants qui peuplent les internats comme chez vous et moi. A la fois tinté d'orient et d'occident, l'univers se noie quelque part entre les deux.
La musique rock de Jonny Greenwood (guitariste de Radiohead, à qui l'on doit déjà
la BO de There will be blood) accentue également cette impression, remplacée peu à peu par une musique bien plus orchestrale.
La bande son en charmera plus d'un même si, comme le titre du film (Norvegian Wood en anglais) aurait pu le laissait présager, on s'attendait à davantage de titres des Beattles...


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Une fois de plus,Tran Ahn Hung nous offre une réalisation soignée avec des plans en extérieur magnifiques sur de vastes paysages vides, une photographie splendide ainsi que des déplacements de caméra très fluides et gracieux. Cependant le travail du réalisateur pose aussi les limites du film.
En effet, les personnages en perpétuel mouvement, dont les déplacements sont chorégraphiés à l'extrême, peuvent provoquer un certain ennui chez le spectateur. Car le film perd énormément en spontanéité.
On regrettera aussi la longueur du film (2h13) qui, même si elle intensifie le thème de la dépression, aurait sans doute gagné à être amputé de 20 bonnes minutes.
Fort heureusement, les acteurs sont talentueux.
Rinko Kikuchi incarne la dépressive et fragile Naoko avec justesse et nous prouve, après notamment une interprétation hilarante dans Une arnaque presque parfaite, qu'elle peut jouer tous les registres. Quant à Kenichi Matsuyama, jusqu'à présent plutôt habitué aux séries télévisées, s'en sort avec les honneurs.
Reste à savoir si les amateurs du japonais Haruki Murakami, auteur de ce best seller mondial, y trouveront leur compte.


Verdict le 4 mai pour sa sortie sur nos grands écrans !

 

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9 avril 2011

I Saw The Devil / J'ai Rencontré le Diable

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La projection de J'ai Rencontré le Diable en avant-première était un événement au festival. Ce film, interdit aux moins de 18 ans en Corée et aux moins de 14 au Canada, sortira en France le 6 juillet 2011 avec une interdiction pour les moins de 16 ans.

Débutée à 22h et introduite par un "Bon courage pour rester jusqu'à la fin" de la part du réalisateur, la séance en a remué plus d’un et poussé certains vers la sortie avant la fin.

 

Kim Jee-Woon est un réalisateur reconnu et admiré pour son travail et à juste titre. Dès The Quiet Family, son premier long-métrage sorti en 1998, il avait imposé un style : une réalisation impeccable et originale empreinte d’un esthétisme fou et un humour noir dit « kimchi » car typiquement coréen.

Les fans de ce maître du film noir étaient donc dans l'attente d'un nouveau chef d’œuvre. Et d'une certaine manière, c'en est un.

Comme dans tous ses films, la réalisation est irréprochable, voire impressionnante.

La photographie d'abord est magnifique. On retrouve avec délectation cette lumière froide et bleutée qu'il utilise souvent dans les scènes nocturnes (cf A Bittersweet Life). Ensuite, la caméra est vive, il filme comme personne les acteurs en pleine course. Le spectateur n'a pas une seule minute de répit et la tension est de plus en plus palpable, accentuée par les plans serrés qu'il effectue sur ses personnages.

Enfin, la musique, devenue la marque de Kim Jee-Woon, est prenante et les acteurs épatants.

Lee Byung-Hun est comme d'habitude d'une rigueur extrême et d'un dynamisme incroyable, parfait en machine de guerre au cœur tendre, tandis que Choi Min-Sik incarne superbement un tueur diabolique sans la moindre once de pitié. Et tout le synopsis réside là. Il tient pour ainsi dire en une seule phrase : Un agent des renseignements prend en chasse le tueur en série qui a assassiné sa fiancée.

Commence alors un jeu de chat et de souris agrémenté de scènes de torture de plus en plus violentes et réalistes exécutées avec une froideur inouïe. Et Kim Jee-Woon ne nous épargne rien !

 

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Le spectateur, durant ces 2h22, oscillera en permanence entre répugnance et admiration, entre nausée et excitation… car J'ai Rencontré le Diable est un film d'horreur, mais également un film magnifique.

En revanche, le spectateur sera pris d'un malaise qui lui sera bel et bien permanent.

 

On reprochera certainement au réalisateur de s'être servi de ce film comme d'un vague prétexte à toute cette violence gratuite. Peut-être même d'avoir voulu flirter avec la limite du supportable en filmant le mal absolu.

Cependant, comme pour se faire pardonner, Kim Jee-Woon conclut le film par une belle scène finale qui atténuera la désagréable sensation ressentie tout ce temps et qui nous fera presque oublier que toute cette histoire n'était qu'une succession de scènes de torture et un affrontement des plus sanguinaires entre deux hommes.

 

 

Avec Le Bon, la Brute et le Cinglé, Kim Jee-Woon nous avait déjà lancé sur la piste du "Qui est qui ?". Avec I Saw The Devil, on en vient encore à se demander qui a vraiment vu le diable… Peut-être est-ce bien nous ?

 

E
9 avril 2011

Night Fishing (Paranmanjang)

(Présenté au Panorama du 13ème festival du film asiatique de Deauville)

 

 

ATout comme Hong Sang-Soo et Kim Jee-Woon, les deux réalisateurs mis à l’honneur durant le festival de Deauville, Park Chan-Wook est un autre grand nom du cinéma coréen.

Comme Kim Jee-Woon aussi, depuis le début de sa carrière, il s'est attelé à différents genres. On lui doit notamment de remarquables thrillers comme le marquant Old Boy mais aussi l'étonnante romance Je suis un Cyborg et plus récemment Thirst dans lequel il expose sa vision particulière du vampirisme. Park Chan-Wook entre donc difficilement dans une case.

Alors lorsqu’il s’associe à son frère sous le nom de PARKing CHANce, c’est pour nous proposer un court-métrage expérimental. Et l’expérimentation commence par sa forme car le film a entièrement été filmé avec un I-Phone 4, évidemment assisté par du matériel professionnel.

 

 

A l’image du chapeau qui vole en introduction, ce film est un OVNI, à la fois déjanté, drôle et émouvant. Park Chan-Wook étonne encore une fois en nous livrant une œuvre forte tant par son esthétique que par son histoire.

 

B

 

Un pêcheur solitaire traverse une forêt pour s'installer au bord d'un lac. Après avoir passé la journée sans attraper grand-chose, la nuit tombée, une de ses lignes s'active sous le poids d'une prise anormalement lourde.

 

A travers ce synopsis simple, PARKing CHANce nous offrent une magnifique métaphore du passage du mort vers l’au-delà, s'amusant à distiller çà et là des éléments pour nous aiguiller et éveiller notre curiosité.

En quelques minutes à peine, les frères Park abordent la perte d'un être cher et le chamanisme avec certes peu de sobriété mais une grande résonance.

 

C

 

Ce conte, dont le titre original qui signifie "Des hauts et des bas" est plus éloquent, passe sans cesse de la couleur au noir et blanc.L’image est sableuse, un peu surannée, servie par une splendide lumière qui évoque un vieux film ou un vieux Polaroïd. La musique, quant à elle, tient une place prépondérante dans le film. La chanson interprétée par Baek Hyun-Jin et son groupe UhUhBoo Project (photo ci-dessous) illustre l'histoire et lui donne presque tout son sens.

 

D

 

Ces 33 minutes de film paraîtront peut-être obscures à celui qui ne s’intéresse pas à la culture asiatique, mais elles subjugueront le curieux et l’amateur d’art car ce film est un grand frisson…

 

9 avril 2011

Wind Blast de Gao Qunshu, ou la grande rigolade.

 

ASi "blast" en anglais est le souffle provoqué par une explosion, "wind" fait sans doute écho au vide qu'il laisse dans la tête du spectateur. Car Wind Blast ne manque pas d'explosion, mais il manque cruellement de scénario !

Le film avait pourtant du potentiel (et comme un arrière-goût de l'excellent Le Bon, La Brute et Le Cinglé de Kim Jee-Woon).

Le synopsis était alléchant -une bande de flics et des tueurs professionnels prennent en chasse une même cible dans le désert chinois - et la scène d'ouverture réussie. Laissant entrevoir l'humour, le décor et les cascades. Mais tout a (très) rapidement basculé vers l'absurde.

La réalisation, justifiant un budget important, est sans conteste réussie. Les acteurs sont honnêtes, les cascades impressionnantes et la bande son intéressante. Et fort heureusement, les images, tournées dans un décor grandiose, en mettent plein les yeux. Cependant, le spectateur assiste à un dérapage totalement incontrôlé, à un crescendo d'incohérences.

 Sur les 2h40 que dure le film, seules les 30 premières minutes donnent l'impression d'avoir été un tant soit peu réfléchies. Après quoi, le réalisateur semble s'être laissé débordé par "l'à peu près" de son scénario (qu'il a lui-même écrit) et avoir finalement décidé d'ouvrir les vannes du "n'importe quoi" pour détourner le film d'action vers le burlesque.

Evidemment, ça ne fonctionne pas.

On peut en revanche imaginer que si le burlesque avait été assumé et développé d'entrée de jeu, le film aurait pu être un sacré divertissement !

B

Malheureusement, l'impasse a également été faite sur les personnages qui, en plus d'être, extrêmement caricaturaux, ne sont pas développés. Et lorsque enfin la psychologie d'un personnage est abordée, elle tombe comme un cheveu sur la soupe.

Parmi les personnages, on croise entre autre un tueur ridiculement "fashion" à la coupe de cheveux improbable, un jeune flic playboy et prétentieux, ainsi qu'une tueuse féministe absolument pas crédible. Les ficelles sont plus que visibles et empêchent tout appropriation du film.

C

2h40 de pellicule c'est évidemment trop long dans ces conditions. Surtout quand le film compte un rebondissement absolument inutile qui plonge le spectateur dans l'attente encore plus pressante du mot "Fin".

 Si, lors du Festival Asia Deauville 2011, certains films ont provoqué des débats au sein des festivaliers, celui-ci au moins a mis tout le monde d'accord.

9 avril 2011

Les Emotifs Anonymes

 

A

 

Angélique Delange, chocolatière émérite mais excessivement timide, postule dans une chocolaterie lyonnaise au bord de la faillite. Elle est alors embauchée par Jean-René Van Den Hugde, passionné mais terriblement mal à l’aise avec les femmes.  

 

Avant le film, il y a d’abord un titre.

« Les Emotifs Anonymes » a quelque chose de curieux. D’accrocheur.  

 Puis il y a une affiche.

Entre style rétro, lumière blafarde et airs espiègles, une atmosphère se crée.

 

Jean-Pierre Améris, dont le nom n’évoque pas forcément grand-chose, signe une comédie romantique simple mais efficace, saupoudrée d'une pincée d'humour.

Si le film fonctionne, c’est principalement parce qu’il est porté par ses acteurs. Car, il faut bien le dire, bien que relevée par quelques originalités, l’histoire n’est pas des plus étoffées. Cependant, ça marche et c’est même plutôt agréable.

 

Isabelle Carré, qui semble faite pour donner vie à des personnages de femmes fragiles, incarne brillamment cette ingénue hyperémotive, qui ne supporte pas que son talent attire les regards. Intimidée par les autres, elle vit dans sa coquille depuis des années. Grâce à un quiproquo, elle réussira à faire un premier pas en dehors de sa bulle.  

Elle est épaulée par Benoit Poelvoorde, qu’il est bon de voir jouer autrement qu’en sortant la grosse artillerie. Plutôt dans la finesse, il est juste dans l'interprétation de ce patron solitaire et timide.

B

Le décor et les costumes délicieusement surannés ajoutent du charme à cet univers chocolaté et collent parfaitement avec la candeur des personnages.

L’atelier de la chocolaterie, par exemple, est d’une grande beauté. Ce bâtiment de briques rouges, dont on soupçonne l’intérieur d’être resté intact depuis plus de cent ans, offre une ambiance un peu intemporelle, à l’image d’Angélique et Jean-René qui n’ont pas su se fondre dans le moule de leur époque.

Jean-Pierre Améris inscrit dans sa réalisation une atmosphère intimiste (plans serrés, lieux exigus…) rappelant justement le cocon dans lequel évoluent les personnages principaux.

Enfin, les touches d'humour distillées avec parcimonie donnent un rythme agréable au film.

 

Alors évidement, à première vue, la timidité de notre héroïne et l'aspect rétro du film ne sont pas sans rappeler, d’une certaine manière, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain. Mais d’une certaine manière seulement…

 

Le film, qui offre un scénario original et une mise en scène soignée, est réussi. Cependant il compte aussi quelques petites déceptions.

Tout d'abord, la fin, amenée de manière légèrement abrupte, aurait sans doute pu être un poil moins conventionnelle.

Et enfin, hormis au générique de fin, pas une fois il n'est fait mention de la ville dans laquelle se situe l'histoire. Lyon, seulement reconnue au détour d’une impasse, aurait mérité quelques prises de vue qui auraient, par la même occasion, permis d'installer davantage l’histoire. Quitte à tourner en Province, pourquoi le cacher ?

 

C

 

En guise de prologue, un clip inédit de "Big Jet Plane" d'Angus and Julia Stone, qui signent donc le générique de fin du film, a été tourné. Pour l'occasion, Isabelle Carré et Benoit Poelvoorde endossent à nouveau brièvement leur rôle aux côté des deux Australiens.

Si l'idée de départ est sympathique, il est dommage de ne pas retrouver la patte d'Améris à la réalisation.

 

(Le clip : http://www.youtube.com/watch?v=jdHJEBaERCU )

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